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La justice restaurative, une justice à dimension humaine

J.LE BIVIC
05.02.2024
La justice restaurative, une justice à dimension humaine

Une femme âgée, une jeune femme et un homme dans la cinquantaine se dirigent vers l’entrée d’un établissement pénitentiaire. Une certaine appréhension se lit sur leurs visages. Ils ont rendez-vous avec trois personnes détenues…
Le film « Je verrai toujours vos visages », sorti en mars 2023, dit bien la justice restaurative.

Les mots prononcés par le formateur dans la bande-annonce la résument : « ce que vous proposez à ces gens, c’est l’inverse de ce que tout le monde leur a toujours proposé. La justice restaurative, c’est un sport de combat. On ne parle pas à leur place. On ne suggère rien. On écoute. On accueille inconditionnellement.
Si vous leur laissez un espace pour réfléchir, ils vont réfléchir. Sinon, ils vont taire ce qu’ils ont toujours tu. Sinon, ils vont dire ce qu’ils ont toujours dit à tout le monde. On est là pour favoriser leur réparation. »

 
QU’EST-CE QUE LA JUSTICE RESTAURATIVE ?

C’est un processus qui organise des sessions de rencontres (5 ou 6) entre un groupe de victimes (3 à 5 personnes par groupe) ou une seule victime et un groupe de personnes condamnées – se trouvant en milieu ouvert ou fermé – ou un seul infracteur, qui ne se connaissent pas mais qui sont concernés par un même type d’infraction. Ces rencontres sont animées par un ou des tiers indépendants spécialement formés.
 
Elles sont précédées d’un temps de préparation et d’entretiens individuels avant que des échanges - qui peuvent être seulement épistolaires - n’aient lieu.
 

LA JUSTICE RESTAURATIVE EST NEE DANS LES MILIEUX PROTESTANTS

Dans les années 1970, aux Etats-Unis, Howard Zehr, professeur à l’université mennonite de Harrisonburg en Virginie, a commencé à mettre en place des rencontres victime/infracteur. C’est ainsi qu’est née la justice restaurative. Elle connaît un réel succès, principalement dans les pays anglo-saxons, aux Etats-Unis, au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande et tout particulièrement en Irlande, mais aussi en Belgique.
 
Cette pratique s’inspire de traditions anciennes que connaissent certaines civilisations, comme celles d’Indiens d’Amérique du nord, des Maoris de Nouvelle Zélande, de peuples du Pacifique, des Kanaks de Mélanésie ou de certains pays d’Afrique.
 

JUSTICE RESTAURATIVE ET SYSTEME JUDICIAIRE : QUELLE ARTICULATION ?

Le système pénal vise essentiellement à vérifier la matérialité des faits commis, la violation de la loi, à établir les responsabilités et prononcer une peine. Il est principalement tourné vers l’auteur et les faits qu’il a commis.La justice restaurative apporte une approche complémentaire et totalement indépendante.

Un espace de parole est proposé dans un cadre sécurisé pour échanger sur les faits commis, leurs conséquences et leurs répercussions, tant du côté de la victime que de celui de l’infracteur. La mise en œuvre de ce processus suppose que l’infracteur reconnaisse les faits. Il n’est plus question seulement du passé, des faits commis, mais de chercher à construire un avenir.
 
Lors de la rencontre, la victime découvre en face d’elle un être humain, comme elle, non un monstre, fait d’ombre et de lumière, qui ne peut se réduire à son acte. L’auteur lui prend conscience que, même s’il n’avait l’intention que de voler, en fait, il a profondément blessé la victime. Il a peut-être brisé une vie, comme cette femme âgée qui n’ose plus sortir de chez elle, alors qu’il pensait seulement lui avoir arraché son sac. Une alchimie se produit alors entre eux qui leur permet de revisiter ce moment sombre.
 
Ce face à face ouvre un espace pour un autre temps que celui qui se déroule au tribunal. Il s’agit d’avancer au rythme des personnes concernées, de tenter de réparer des liens interpersonnels et sociaux rompus par l’acte malveillant. La réconciliation, voire le pardon, peuvent être au bout du chemin mais non nécessairement. C’est surtout l’apaisement qui est recherché.

 
LA JUSTICE RESTAURATIVE, UNE JUSTICE A DIMENSION HUMAINE ?

Dans le prolongement de la directive européenne du 25/10/2012, la loi du 15/8/2014 a introduit dans le droit français la justice restaurative, en posant un cadre très formel.
 
Ce processus peine à se développer dans notre pays, sans doute parce qu’il est peu réceptif de façon générale aux modes de règlements à l’amiable. On peut le regretter car il contribue à une réelle guérison des parties, comme en témoignent ces personnes que j’ai rencontrées: une femme dont la fille a été assassinée par son compagnon en rencontrant l’auteur de faits similaires trouve un certain apaisement qui l’aide à faire son deuil. L’infracteur lui comprend qu’il a blessé, se responsabilise, se reconstruit pour se tourner vers une vie autre, aidée par cette femme. Ils sont apaisés et tournés vers l’avenir. Cet espace de parole offert ne rejoint-il pas la parole du prophète: « Voici que je fais une chose nouvelle, elle est maintenant en germe, ne la reconnaîtrez-vous pas ? Je mettrai un chemin dans le désert et des fleuves dans la terre aride. » (Esaïe 43.19)
 
 Jocelyne LE BIVIC
La justice restaurative, une justice à dimension humaine